LE CADRE CONCEPTUEL DE LA COMPTABILITÉ DE L’ETAT
I. Objectifs du cadre conceptuel et destinataires de la comptabilité de l’Etat
L’article 75 (al. 2) de la loi n°2018/012 du 11 juillet 2018 portant Régime Financier de l’État et des Autres Entités Publiques dispose que : « les règles applicables à la comptabilité générale de l’État s’inspirent des normes comptables internationalement reconnues ».
Le présent cadre présente un ensemble de concepts qui sous-tendent les décisions à prendre et les choix à effectuer dans le processus de normalisation et de production des comptes. Il fournit des éléments de compréhension et d’interprétation des règles, fixe les principes comptables applicables, décline la liste et les catégories de destinataires des états financiers de l’État ainsi que les objectifs poursuivis par la production desdits états.
Les destinataires de l’information financière sont les comptables chargés de tenir et d’établir les comptes, les gestionnaires des programmes et des budgets publics, la juridiction des comptes chargée de la certification des comptes de l’Etat, les parlementaires, les structures internes et externes en charge du contrôle des finances publiques, les institutions publiques internationales, les marchés financiers et les investisseurs, les autres partenaires au développement, la société civile et les citoyens.
II. Objectifs des états financiers
L’objectif des états financiers est de donner une image fidèle de l’évolution du patrimoine de l’Etat et de sa situation financière. A ce titre, l’article 73 (al. 3) de la loi n°2018/012 du 11 juillet 2018 portant Régime Financier de l’État et des Autres entités publiques dispose que : « les comptes de l’État doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle de l’exécution du budget et de l’évolution du patrimoine de l’État et de sa situation financière ». Ils sont sanctionnés par la production du Compte Général de l’Etat constitué de la balance générale des comptes et les états financiers certifiés par la Juridiction des comptes agissant en qualité de commissaire aux comptes de l’Etat.
Cette disposition est fortement inspirée du cadre comptable du secteur privé notamment, l’Acte Uniforme OHADA qui organise la tenue de la comptabilité des entreprises, la production des états financiers et leur certification.
Toutefois, au regard des spécificités liées à l’action de l’État, la contexture, le contenu des états financiers et le résultat comptable de l’Etat sont différents de ceux produits par les entreprises, les missions de l’Etat étant orientées vers la satisfaction de l’intérêt général et non la recherche du profit.
III. Les caractéristiques de la comptabilité générale de l’Etat
Les principes comptables ci-après, applicables à la comptabilité publique, ont été retenus et définis par le Recueil des Normes Comptable de l’Etat et le décret fixant le cadre général de présentation du Plan Comptable de l’Etat.
1. Le principe de la constatation des droits et obligations
Selon ce principe, les opérations sont prises en compte au titre de l’exercice auquel elles se rattachent, indépendamment de leurs dates de paiement ou d’encaissement.
2. Le principe de régularité
Il renvoie à la conformité aux règles et procédures en vigueur et rappelle que les comptes de l’Etat sont établis en référence à des principes et règles comptables définis par les textes.
3. Le principe de sincérité
Le principe de sincérité est l’application de bonne foi des règles et procédures comptables. Ces règles et procédures doivent être appliquées de manière à traduire avec sincérité la connaissance que les comptables ont de la réalité et de l’importance relative des événements enregistrés.
4. Le principe de l’image fidèle
Les états financiers doivent refléter la situation réelle de l’Etat. L’information fournie doit être exacte et loyale afin de permettre la meilleure traduction possible de sa situation économique, patrimoniale et financière.
5. Le principe de bonne information
L’information fournie dans les états financiers doit être intelligible, pertinente et fiable de manière à permettre l’obtention d’une information claire et exhaustive.
6. Le principe de prudence
Ce principe traduit l’appréciation raisonnable des évènements et opérations afin d’éviter le risque de transfert, sur l’avenir, des incertitudes présentes susceptibles de grever le patrimoine et le résultat de l’exercice. En application de ce principe, les pertes probables sont comptabilisées et non les plus-values latentes.
7. Le principe de l’intangibilité du bilan d’ouverture
Le bilan d’ouverture d’un exercice doit correspondre au bilan de clôture de l’exercice précédent. Les soldes des comptes de la balance définitive doivent correspondre à la Balance d’entrée de l’exercice suivant.
8. Le principe de l’arrêté périodique des écritures, des comptes et des états financiers
Les écritures comptables, les comptes et les états financiers doivent être arrêtés suivant une périodicité fixe, afin de rendre compte de la situation financière et patrimoniale de l’Etat. Les arrêtés peuvent être journalier, décadaire, mensuel ou annuel.
9. Le principe de la permanence des méthodes
Selon ce principe, la présentation des comptes annuels comme les méthodes d’évaluation retenues ne peuvent être modifiées d’un exercice à l’autre.
10. Le principe de sécurité, de pérennité et d’irréversibilité de l’information comptable
La comptabilité doit permettre d’assurer la protection des transactions et la sauvegarde des droits et obligations de l’Etat vis-à-vis des tiers. A ce titre, l’information comptable doit être bien conservée et ne pas subir de modification après arrêt définitif ou validation des écritures.
11. Le principe de non compensation
Ce principe exige la non compensation entre les postes de l’actif circulant et du passif circulant et/ou entre postes de charges et postes de produits.
12. Le principe du nominalisme monétaire
En respect de ce principe, le FCFA est la monnaie sur la base de laquelle les opérations doivent être comptabilisées. De ce fait, les biens acquis en devises ainsi que les créances et les dettes sont convertis en monnaie nationale, conformément au taux de change ou au taux de chancellerie en vigueur au moment de la transaction.
13. Le principe de l’évaluation au coût historique
Ce principe signifie que tout bien acquis doit être enregistré à sa date d’entrée dans le patrimoine à son coût d’acquisition. Il a comme corollaire la conservation de la valeur initiale du bien ; sauf cas des réévaluations.
14. Le principe de l’indépendance des exercices
Ce principe signifie que les produits et les charges sont rattachés à l’exercice au cours duquel ils sont nés. Chaque exercice supporte ses charges et ses produits.
15. Le principe de continuité de l’exploitation
En vertu de ce principe, le fonctionnement de l’Etat n’est pas limité par le temps.
16. Le principe d’importance relative
En application de ce principe, le comptable n’intègre dans le patrimoine de l’Etat que les éléments ayant une valeur significative. Ces éléments doivent être susceptibles d’influencer le jugement que les destinataires des états financiers peuvent porter sur le patrimoine, la situation financière ou le compte de résultat. Le seuil significatif est fixé par le Ministre en charge des comptes publics, après avis de l’organe chargé de la normalisation comptable.
17. Le principe de la transparence
L’information financière doit être fournie de façon régulière et sincère. Une information financière transparente doit également être claire, précise et loyale.
IV. Les principaux concepts
1. Actif
Un actif est un élément du patrimoine ayant une valeur économique positive pour l’État et placé sous son contrôle, c’est-à-dire susceptible de lui procurer des avantages économiques futurs ou un potentiel de service. En effet, selon les dispositions de l’article 30 (al. 1) du décret n°2019/3199/PM du 11 septembre 2019 fixant le cadre de présentation du Plan Comptable de l’État, « seuls les actifs dont la gestion est placée sous le contrôle de l’État peuvent être inscrits au bilan de l’État ».
A ce titre, les biens dont l’État est propriétaire mais dont il a transféré le contrôle effectif à des entités distinctes sans contrepartie, ne sont pas comptabilisés dans ses états financiers. De manière symétrique, les biens utilisés de manière durable par l’État, sans que ce dernier en soit le propriétaire, sont inscrits dans ses états financiers dès lors qu’il en a le contrôle.
Le contrôle s’apprécie en fonction des conditions d’utilisation du bien : pouvoir de décision sur l’utilisation, responsabilités, charges et risques liés à ce pouvoir.
2. Passif
Un passif est constitué par une obligation à l’égard d’un tiers, existante à la date de clôture, dont il est probable ou certain, à la date d’arrêté́ des comptes, qu’elle entrainera une sortie de ressources au bénéfice de ce tiers sans contrepartie attendue de celui-ci après la date de clôture. Il est comptabilisé dans les états financiers de l’exercice au cours duquel les obligations correspondantes sont nées.
3. Situation nette
La situation nette est mesurée par la différence entre les actifs et les passifs. Elle comprend les reports à nouveau, le résultat de l’exercice, les comptes d’intégration et de contrepartie, les écarts d’équivalence et de réévaluation.
4. Charges
Une charge est une diminution d’actif ou une augmentation de passif non compensée dans une relation de cause à effet par l’entrée d’une nouvelle valeur à l’actif ou une diminution du passif. Elle correspond soit à une consommation de ressources entrant dans la production d’un bien ou d’un service, soit à une obligation de versement à un tiers, définitive et sans contrepartie directe dans les comptes.
5. Produits
Un produit est une augmentation d’actif ou une diminution de passif non compensée dans une relation de cause à effet par la sortie d’une valeur à l’actif ou une augmentation du passif. Pour l’État, il est fait une distinction entre les produits fiscaux et les autres produits.